Cannes 2022 : BOY FROM HEAVEN / Critique

20-05-2022 - 21:00 - Par

Cannes 2022 : BOY FROM HEAVEN / Critique

De Tarik Saleh. Sélection officielle, compétition

 

Si la mécanique de récit de BOY FROM HEAVEN semble déjà vue, son contexte, lui, assure toute la singularité du film.

Pour Tarik Saleh, 2022 semble à première vue faite de tout et son contraire : en avril sortait sur une plateforme de streaming THE CONTRACTOR, gros thriller américain avec Chris Pine ; quelques semaines plus tard, le voilà en compétition à Cannes avec BOY FROM HEAVEN – ou l’histoire d’Adam, fils de pêcheur égyptien, qui obtient une bourse à l’université Al-Azhar au Caire, référence absolue de l’enseignement islamique. Si un monde semble séparer les deux films, les apparences sont (en partie) trompeuses. Car on retrouve dans BOY FROM HEAVEN un thriller voire, si on explore les sous-genres, un vrai thriller d’infiltration. Une fois à Al-Azhar, Adam est embrigadé malgré lui dans des luttes de pouvoir : alors que le Grand Imam meurt, les autorités politiques égyptiennes tentent, pour lui succéder, de faire élire en secret leur candidat préféré. Géré par un officier de la sûreté de l’État (l’excellent Farès Farès), Adam va devoir espionner les différents cheikhs, débusquer les potentiels Frères Musulmans et aider le pouvoir à parvenir à ses fins. D’un pur point de vue de mécanique narrative, BOY FROM HEAVEN ne déroge pas vraiment d’un certain classicisme, si bien que l’intrigue mène inexorablement à divers passages obligés, balises attendues de toute histoire d’infiltration. Les rebondissements peinent donc à surprendre, surtout que, avec son rythme exigeant, son filmage moins nerveux qu’observateur et quelques atermoiements en milieu de film, BOY FROM HEAVEN n’a pas l’efficacité due à son genre et manque même parfois de tension. Pourtant, Tarik Saleh parvient étrangement à ses fins. Sans doute parce que, conscient de la nature déjà vue de son récit, il s’appuie sur la singularité de son contexte. Il nous fait ainsi pénétrer dans un univers qui nous est inconnu et qui, à l’image, se révèle immédiatement fascinant, avec ses décors fastueux, ses costumes d’étudiants coraniques, ses gestes ou ses rituels – comme les concours de psalmodie. Les luttes de pouvoir et les dissensions se font alors plus captivantes dès lors qu’elles évoluent dans ce cadre sur lequel le spectateur a peu prise. Mais qu’il comprend : BOY FROM HEAVEN raconte notamment les différentes interprétations de l’Islam, la manière dont les plus intransigeantes naissent et l’hypocrisie qui sous-tend leurs défenseurs. Tarik Saleh mène alors le film vers des questionnements passionnants en observant la manière dont entrent en collision la religion et la politique, la foi et la morale, la piété et l’engagement, la loi de Dieu et celles des Hommes. Son héros, Adam, superbement interprété par Tawfeek Barhom, en ressort que plus complexe : taiseux, presque naïf dans la première heure, il gagne peu à peu en assurance, jusqu’à se faire presque ambigu. Si BOY FROM HEAVEN n’affiche donc pas nécessairement une efficacité immédiate, il a tout pour s’imposer par combustion lente, sur la durée.

De Tarik Saleh. Avec Tawfeek Barhom, Farès Farès, Mohammad Bakri. Suède / France. 2h. En salles le 9 novembre

 

 

 

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