Cannes 2022 : STARS AT NOON / Critique

27-05-2022 - 16:38 - Par

Cannes 2022 : STARS AT NOON / Critique

De Claire Denis. Sélection officielle, compétition

 

Une romance moite, des personnages en fusion, des sentiments glacés, tout ça dans le gris bleu d’un paysage hostile. Du pur Claire Denis.

Claire Denis a toujours fait du cinéma sensoriel. BEAU TRAVAIL, TROUBLE EVERY DAY, HIGH LIFE : des films organiques travaillés par les fluides, les corps, tout ça filmé avec une distance singulière, une vision du monde assez désespérée qui peuvent laisser à la porte pas mal de spectateurs. Ses films sont à la fois séduisants et mal aimables. Ils allument pour mieux éteindre froidement le désir d’un geste sec. La rencontre entre « Des étoiles à Midi », le roman torride et nébuleux de Denis Johnson écrit à la fin des années 1980 à partir de ses souvenirs de reporter de guerre – une sorte d’ « Au cœur des Ténèbres » sec et aride – et Claire Denis était une évidence. Peut-être même un peu trop. Collant aux basques moites de son héroïne mystérieuse, jeune américaine prisonnière d’un Nicaragua kafkaïen qui cherche par tous les moyens à s’enfuir du pays, son STARS AT NOON c’est du « Claire Denis » à la lettre : corps juvéniles incandescents, froideur des sentiments, récit flou, personnages traversés d’une urgence mystérieuse : tout est là. La synthèse entre l’érotisme inquiet de VENDREDI SOIR et la froideur viscérale des SALAUDS.

Indéniablement, la réalisatrice a du style. Parce qu’il en faut pour nous tenir accroché à cette histoire qui volontairement échappe à ses personnages et au spectateur. Relativement fidèle au roman de Johnson (elle déplace juste le récit aujourd’hui en intégrant assez intelligemment, le Covid dans le paysage), STARS AT NOON raconte l’amour comme une mécanique de survie. Non pas un sentiment, non pas même un désir, mais bien un objet de transaction, une bouée de sauvetage à laquelle le personnage principal s’accroche pour espérer s’échapper. Le style de Claire Denis, tout en chaud-froid, est parfait pour rendre à l’image ce jeux de dupes, ces étreintes sans âme où l’on ne sait jamais vraiment qui baise qui. Révélée récemment au grand public avec la série MAID, Margaret Qualley impressionne et imprime la rétine de son élégance sauvage, d’une folie qui traverse son regard à chaque instant. Il y a en elle quelque chose de la survie envers et contre tout qui porte le film. Face à elle, en homme d’affaire trouble, Joe Alwyn manque hélas un peu de charisme et on comprend bien pourquoi Claire Denis rêvait de Robert Pattinson pour le rôle. Tout est trouble dans STARS AT NOON, tout est à la fois beau et laid, doux et violent et Alwyn est un poil trop lisse dans le décor. Pour autant, pour peu qu’on s’abandonne à l’atmosphère si particulière de ce cinéma esthète (notamment une scène de danse onirique dans un club qui surgit de nulle part, moment sublime de cinéma moite), il y a dans cette parenthèse torve, ce récit d’espionnage amoureux, ce mélodrame atone, la maîtrise totale d’une réalisatrice devenue à elle-seule un monde.

De Claire Denis. Avec Margaret Qualley, Joe Alwyn. 2h17. France / États-Unis. Prochainement

 

 

 

 

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