SPIDERHEAD : chronique

13-06-2022 - 16:23 - Par

SPIDERHEAD : chronique

Joseph Kosinski délaisse le grand spectacle pour l’intimisme (tout SF soit-il) et réussit globalement son pari.

 

Dans le générique de SPIDERHEAD apparaît le cours d’un fleuve, filmé depuis le ciel : une ligne, motif omniprésent chez Joseph Kosinski qui, ici, contrairement à d’habitude, se fait tortueuse. Comme si le cinéaste prévenait : SPIDERHEAD va tordre ce qu’on sait de son cinéma. Alors que TOP GUN : MAVERICK cartonne dans les salles du monde entier, SPIDERHEAD se révèle ainsi beaucoup plus intimiste, moins spectaculaire. On a beau y retrouver le goût de Kosinski pour la géométrie et l’architecture – notamment grâce à des décors remarquables, dépouillés et évocateurs, tout en lignes claires cassantes –, SPIDERHEAD se joue avant tout dans le cœur et l’esprit des personnages. Jeff (Miles Teller, encore une fois excellent) purge une peine de prison à Spiderhead, centre de détention où des repris de justice participent volontairement à des essais pharmaceutiques. Steve (Chris Hemsworth, dont la bonhomie véhicule ici la bizarrerie) teste sur eux diverses drogues altérant leurs émotions et leur comportement – créer le sentiment amoureux, les rendre plus prolixes etc. Le cinéma de Kosinski repose notamment sur une dualité à l’égard du naturalisme et SPIDERHEAD d’organiser la collision entre la technologie à laquelle se soumettent les protagonistes et leurs sentiments organiques, entre la réalité et la perception qu’en ont les personnages, entre leurs vraies émotions et celles créées par les drogues. Un concept assez captivant qui crée une identification immédiate et que Kosinski réussit souvent à incarner à l’écran par de simples champ / contre-champ, par une multitude de cadres dans le cadre mais aussi, et c’est plus inattendu chez lui, par un mélange des tons. Alors que la musique originale de Joseph Trapanese est vectrice de mélancolie et de noirceur, la bande-son aligne les chansons pop joyeuses (Doobie Brothers, Thomas Dolby, Roxy Music), accentuant un sentiment impalpable d’étrangeté où drame et légèreté se confondent ou se répondent. Bien que confiné dans un seul décor, SPIDERHEAD prend peu à peu une véritable ampleur, alors qu’il pose la question de ce que l’individu consent à accepter d’un système. Dommage que le dernier acte s’éloigne de sa ligne discrète pour lui préférer un saut dans le thriller, aux rebondissements et aux révélations rebattus. Tout à coup, la dualité mystérieuse de SPIDERHEAD s’effondre au profit d’une seule note, moins élégante, et le film perd alors de sa singularité. Mais, avec ce plaidoyer pour l’incarnation et l’organique, Joseph Kosinski prouve, après LINE OF FIRE et MAVERICK, que son cinéma mature et se diversifie.

De Joseph Kosinski. Avec Miles Teller, Chris Hemsworth, Jurnee Smollett. États-Unis. 1h46. Sur Netflix le 17 juin

4Etoiles

 

 

 

 

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