Annecy 2022 : INTERDIT AUX CHIENS ET AUX ITALIENS / Critique

18-06-2022 - 18:25 - Par

Annecy 2022 : INTERDIT AUX CHIENS ET AUX ITALIENS / Critique

Avec son deuxième long-métrage, Alain Ughetto poétise une pénible réalité en racontant avec des marionnettes l’histoire de l’exil de ses grands-parents italiens. De l’orfèvrerie.  

 

Il est des œuvres qui bouleversent. Certaines qui emmènent loin, font travailler les méninges ou pleurer les cœurs les moins sensibles. Et il y a INTERDIT AUX CHIENS ET AUX ITALIENS qui, dans sa confondante simplicité, réussit le grand chelem. Alain Ughetto y raconte l’histoire de ses grands-parents, Luigi et Cesira, italiens pauvres du Piémont au début du XXe siècle obligés de quitter leur région natale où seule subsiste la misère pour trouver du travail et pouvoir se nourrir en France. Une vie d’endurance et de sacrifices, de résilience et de sacerdoce. Mais aussi une vie d’amour, de courage, de persistance et d’espoir. Ce que narre l’histoire de ces simples gens, c’est aussi et surtout, un récit européen de la première moitié du XXe siècle, celle des guerres, en Libye italienne puis avec les deux conflits mondiaux, des famines, de la grippe espagnole, du racisme, des régions reculées encore sous la coupe de l’Église et des superstitions. C’est aussi les évolutions politiques, technologiques, sociales et sociétales qui ont traversé la cinquantaine d’années sur laquelle s’écoule le film. Et pour le réalisateur, c’est aussi et surtout un dialogue fictif avec ses ancêtres qu’il a peu ou pas connu. Avec des marionnettes et des décors en carton, en brocolis, en noisettes, en papier mâché ou en terre, aidé de jouets pour enfants, Alain Ughetto compose cette histoire racontée à deux voix, la sienne et celle de sa grand-mère, doublée par Ariane Ascaride. Une rencontre qui défie le temps et le réel, que seule permet l’animation et son lien direct avec nos imaginaires. INTERDIT AUX CHIENS ET AUX ITALIENS est à la fois le film et son making-of, il se construit et se déconstruit en permanence sous nos yeux hallucinés par la magie de la stop-motion. Comme si le choix même de cette animation en volume, qui requiert minutie, patience et acharnement, était une ode de plus à ces aïeuls admirés. Avec ce récit personnel, aussi difficile et accidenté que tendre et (très) drôle, le cinéaste rend hommage à sa famille, certes, mais plus globalement aux exilés. À ceux dont les racines ont été coupées mais qui savent aussi que ce n’est pas tant le lieu qui fait la personne que son enfance. Une enfance qu’Alain Ughetto, le poète, a décidé d’approfondir en donnant la parole, sans misérabilisme ni volonté d’enjoliver, à ceux qui ont permis la sienne.

De Alain Ughetto. Documentaire / Animation. 1h20. Italie / France. Prochainement

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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