GLASS ONION : chronique

21-12-2022 - 11:31 - Par

GLASS ONION : chronique

Après le succès de À COUTEAUX TIRÉS, le détective Benoît Blanc revient pour une deuxième enquête. Toujours aussi caustique et énervé.

 

Rian Johnson décrit sa franchise À COUTEAUX TIRÉS comme des divertissements qui, bien qu’ils ne prétendent pas être de grands films à messages, doivent rester en prise avec leur temps. Il ne pouvait pas mieux définir GLASS ONION, comédie et whodunnit qui, avec verve, dresse un portrait acide et énervé de notre époque. Une poignée de privilégiés (une gouverneure, une ancienne top-model et son assistante, un YouTubeur mascu et sa compagne, un scientifique génial, une ancienne cheffe d’entreprise) sont invités par leur ami milliardaire de la Tech, Miles Bron (Edward Norton), à passer un week-end sur son île paradisiaque. Parmi eux, le détective Benoît Blanc (Daniel Craig), seul convive à ne pas connaître l’hôte. Bron leur annonce qu’ils vont tous devoir tenter de résoudre son (faux) meurtre, murder party écrite par Gillian Flynn… Le premier acte de GLASS ONION joue la carte de la grosse comédie et de l’ostentation. Pourtant, derrière cette effusion braillarde se cache déjà un propos : l’introduction se déroule au printemps 2020 mais les personnages ne semblent en aucun cas coupés du monde ou confinés. À partir de ce détail, Rian Johnson va se servir de son intrigue et du whodunnit pour détricoter ce qui l’agace aujourd’hui. Un jeu de massacre rigolard mais vachard qui rappelle parfois le cinéma de Ruben Östlund, sans la condescendance. Très malin dans son écriture méta, GLASS ONION se fait volontairement nouveau riche (bien que son budget reste identique à celui de À COUTEAUX TIRÉS) et étale une opulence risible tout à fait idoine : caméos de stars qui passent une poignée de secondes à l’écran, chansons onéreuses des Beatles à la bande originale, décors naturels et de studio grandioses… Portrait au vitriol d’idiots qui se croient disrupteurs, de conformistes qui pensent bousculer les paradigmes de pouvoir alors qu’ils n’en sont que des complices, GLASS ONION est tant en phase avec son époque ultra-libérale qu’il semble parfois en être une représentation en direct live – les tribulations ‘twitter-iennes’ d’Elon Musk n’auraient pas pu mieux tomber. Une pertinence qui nourrit l’efficacité-même du divertissement : les trouvailles sarcastiques de GLASS ONION (splendide blague impliquant Philip Glass) en font une comédie le plus souvent jouissive, tandis que le murder mystery affiche rigueur de construction et habileté en calquant sa structure sur celle du mécanisme musical de la fugue. Une manière pour le film de ne pas commenter uniquement son époque mais également son propre récit par le truchement de répétitions et de ruptures de point de vue. Rusé, tordant et pertinent.

De Rian Johnson. Avec Daniel Craig, Edward Norton, Janelle Monáe. États-Unis. 2h19. Sur Netflix le 23 décembre

 

Note : 4/5

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.