Cannes 2023 : VINCENT DOIT MOURIR / Critique

19-05-2023 - 16:46 - Par

Cannes 2023 : VINCENT DOIT MOURIR / Critique

De Stephan Castang. Semaine de la Critique.

 

VINCENT DOIT MOURIR a certains défauts des premiers films. Mais in fine ses grandes qualités l’emportent.

Lorsqu’un stagiaire l’agresse à coup d’ordinateur portable dans la gueule, Vincent n’y voit rien d’autre qu’un craquage. Mais quand un autre collègue, le lendemain, lui poignarde le bras à coup de stylo, ses interrogations se font un peu plus angoissantes. Rapidement, il réalise que tous ceux qu’il croise finissent par lui vouloir du mal. Stephan Castang tire immédiatement parti de ce pitch fantastique. Il en souligne dans un premier temps l’irréalité loufoque et drolatique. Puis, peu à peu, sa mise en scène se fait plus inquiète, réifiant la parano de son protagoniste, l’étrangeté de ses assaillants. Là, toute l’humanité de Karim Leklou, qui n’a pas son pareil pour susciter l’identification du spectateur, est cruciale. Mais VINCENT DOIT MOURIR a le mérite de ne pas en rester là, de ne pas se réduire à un pitch original dans un cinéma français qui en manque souvent cruellement. Très efficace dans son dolorisme – film de fluide, VINCENT DOIT MOURIR met en scène avec inventivité et sans détour le sang, la merde et le vomi –, le film s’appuie aussi sur un scénario particulièrement malin de Mathieu Naert. Qu’il commente une manie très contemporaine de minimiser les sentiments des victimes pour les retourner contre eux (« Vous cherchez l’attention de ceux qui vous agressent », lance un psy à Vincent) ou qu’il tente, certes un peu maladroitement, à créer une mythologie (le site internet Les Sentinelles, idée très intéressante que l’on ne déflorera pas, mais jamais vraiment exploitée), VINCENT DOIT MOURIR construit patiemment son univers et ses règles, pour plonger toujours un peu plus loin dans le cauchemar. C’est là, alors que Vincent commence à comprendre ce qui lui arrive et qu’un horizon infini s’ouvre sans être exploré, que le film choisit de prendre un détour plus « romantique » en faisant rencontrer à son anti-héros une serveuse dont il tombe croque-love, Margaux (incarnée par Vimala Pons, excellente comme à son habitude). L’utilité dramaturgique de cette romance se comprend, notamment pour ce qu’elle dit de la solitude moderne, de l’incapacité à la communication, mais pourtant, elle tend à normer le film, à l’éloigner de l’étrangeté qui faisait son impact et le mène finalement à tourner légèrement en rond, voire à ronronner. Heureusement, Castang et Naert rectifient le tir durant le climax du deuxième acte qui, bien que le film ait été pensé avant la pandémie, convoque à l’écran toutes les angoisses nées du Covid, des confinements et d’un vivre-ensemble empêché. Jusqu’à ce plan final superbe, en suspens, où rien n’est vraiment acquis ni perdu. Ou seule subsiste la terrifiante beauté de l’inconnu.

De Stephan Castang. Avec Karim Leklou, Vimala Pons, François Chattot. France. 1h47. Prochainement

 

 

 

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