Cannes 2023 : PERFECT DAYS / Critique

25-05-2023 - 18:15 - Par

Cannes 2023 : PERFECT DAYS / Critique

De Wim Wenders. Sélection officielle, compétition.

 

On n’imaginait pas Wim Wenders avoir encore en lui un tel film, aussi juste et délicat. Dont acte.

Une vieille dame balaie la rue. Un homme se réveille, fait son lit, se brosse les dents, se taille la moustache. Il brumise ses plantes avant de revêtir une salopette estampillée ‘The Tokyo Toilet’. Il sort de chez lui, hume l’air, sourit. Se paie une canette, entre dans sa voiture et met une cassette dans l’autoradio – « House of the Rising Sun » sort des baffles. Sans le moindre dialogue, en de longues minutes comme suspendues, attentives aux gestes et à l’environnement, PERFECT DAYS échafaude une belle présentation de ce personnage encore inconnu, qu’il va s’ingénier à regarder quand le monde l’ignore ; à écouter quand lui-même s’impose le silence. Wim Wenders embrasse un parti-pris risqué : une construction basée sur la quotidienneté – le récit s’intéresse à douze jours consécutifs de la vie de cet homme qui nettoie avec méticulosité les toilettes tokyoïtes – et sur la répétition – chacune de ses journées étant plus ou moins rythmée par les mêmes actes, lieux et personnes, Wenders s’intéressant autant à ces routines qu’aux imprévus qui viennent la faire dérailler. Une approche behavioriste qui s’attarde sur les habitudes de cet homme (le restaurant où il mange le soir ; les photos des arbres qu’il prend, qu’il trie et qu’il classe ; l’onsen où il se lave…), sur les petites gestes qui en disent beaucoup (son utilisation d’un miroir pour s’assurer que le dessous d’une cuvette, pourtant inaccessible, est bien propre), sur ce qu’il vit au quotidien (les usagers qui ne lui adressent aucun regard, par gêne ou mépris ; les gestes de sympathie) et qui, peu à peu, cessent de se circonscrire à son comportement, pour finalement éclairer son intériorité. Son amour de la musique rock et pop agit comme réification de ses humeurs (remarquable bande-son composée du Velvet Underground, Otis Redding, Patti Smith, Van Morrison ou Nina Simone), et peu à peu se révèlent des sentiments contrariés, un passé familial jamais réglé. Cette accumulation de petits effets, de moments banals ou plus signifiants agit comme un catalyseur d’émotions : projeté sans effusion dans ce quotidien, le spectateur s’y love, comme un fantôme posté à côté de cet homme, captivé par les évidences qu’il dévoile et par les mystères qu’il dissimule, le tout sublimé par la prestation d’une rare élégance du très grand Koji Yakusho (CURE, THE THIRD MURDER…). Les itérations mises en place par Wenders (une journée, suivi du coucher, puis de courts instants en noir et blanc figurant les rêves du personnage, et enfin un nouveau réveil) construisent des bornes rassurantes, qui muent en pis-aller que certains événements viennent bousculer, à l’instar de la venue de sa jeune nièce fugueuse. De l’apparente simplicité de ces « journées parfaites » naissent alors des multitudes. Des détails de cette vie émerge un portrait complexe, aux pudiques décharges émotionnelles.

De Wim Wenders. Avec Koji Yakusho, Yumi Aso, Arisa Nakano. Allemagne / Japon. 2h03. En salles le 29 novembre

 

 

 

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