Cannes 2023 : CHAMBRE 999 / Critique

25-05-2023 - 23:04 - Par

Cannes 2023 : CHAMBRE 999 / Critique

De Lubna Playoust. Sélection officielle, Cannes Classics

 

En 1982 au Festival de Cannes, Wim Wenders avait posé sa caméra dans une chambre d’hôtel du Martinez pour y interviewer des cinéastes. La question était simple : « Quel est l’avenir du cinéma ? ». Enfin, simple, c’est vite dit : le sujet est vaste et nécessite une bonne boule de cristal. Les réponses variaient de Steven Spielberg à Jean-Luc Godard en passant par Rainer Werner Fassbinder, et bien peu de ces seize réalisateurs peuvent se targuer d’avoir vraiment vu le futur mais le moral était aussi raplapla que maintenant, les années 1980 marquant l’avènement de la VHS, qui fut une sacrée secousse pour l’industrie. 40 ans plus tard, et alors que les plateformes pullulent et ont déjà tué la vidéo physique ou presque, c’est la cinéaste Lubna Playoust, parrainée par le cinéaste allemand, qui a repris l’exercice. Lors de l’édition 2022 du Festival de Cannes, dans une chambre du Martinez, elle a posé la question sur l’avenir du cinéma à 30 cinéastes. Le dispositif reste le même : la caméra est fixe et le ou la cinéaste est seul.e dans la chambre et peut éteindre l’enregistrement à tout moment. Se succèdent alors dans ce plan immobile, Wim Wenders bien sûr, mais aussi David Cronenberg, Alice Winocour, Baz Luhrmann, Albert Serra ou encore Rebecca Zlotowski. Il y a les optimistes comme Arnaud Desplechin qui considère que la mort du cinéma est inhérente à sa vie et qu’il ne fait que renaître sans fin, les pessimistes comme James Gray ou encore ceux qui s’intéressent à la jeunesse et aux nouvelles manières de consommer ce cinéma comme Audrey Diwan et Asghar Farhadi. Dans l’ensemble, les réponses ne sont pas si surprenantes et reprennent peu ou prou tout ce qui se dit depuis la pandémie sur les risques qu’encourt le 7e art dans les différentes prises de paroles ou tables rondes qui ont fleuri depuis avec ce même refrain inquiet. Mais ce qu’il y a de plus intéressant et c’était déjà le cas en 1982, c’est la façon dont ces cinéastes, qui n’ont pas tant l’habitude d’être devant l’objectif, habitent le cadre. Qu’ils restent debout, assis, immobiles, volubiles, qu’ils soient près ou loin de l’appareil ou qu’ils parlent 1 ou 10 minutes (voire pas du tout comme Kirill Serebrennikov qui se contente de danser) tous ont leur manière propre d’habiter cet espace qui n’est souvent pas si éloigné de leur cinéma lui-même. Quelque chose se révèle d’eux à leur insu et c’est ce qui rend l’exercice plaisant, quoiqu’un peu longuet. Et, à l’instar de CHAMBRE 666 de 1982, ce CHAMBRE 999 semble agir comme une capsule temporelle qu’il sera bien intéressant (et sûrement amusant) d’aller consulter dans 40 ans. Rendez-vous en 2062 !

De Lubna Playoust. Documentaire. 1h25. Prochainement

 

 

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