Cannes 2021 : PETITE NATURE / Critique

09-07-2021 - 15:55 - Par

Cannes 2021 : PETITE NATURE / Critique

De Samuel Theis. Semaine de la critique.

 

Synopsis officiel : Johnny a dix ans. Mais à son âge, il ne s’intéresse qu’aux histoires des adultes. Dans sa cité HLM en Lorraine, il observe avec curiosité la vie sentimentale agitée de sa jeune mère. Cette année, il intègre la classe de Monsieur Adamski, un jeune titulaire qui croit en lui et avec lequel il pousse la porte d’un nouveau monde.

 

Un beau portrait d’enfance à la marge, un peu écrasé par une noirceur très artificielle.

Filmer l’enfance revient toujours à filmer un état du monde. Du teen movie et son passage à des figures plus naïves et plus perméables à la violence et à l’incompréhension du monde, le cinéma fait de ces corps en devenir, ce moment où tout est flou, tout est encore possible, une caisse de résonance. Dans les yeux de l’enfance se joue toujours quelque chose de la perte de l’innocence. Samuel Theis instaure dès les premiers plans une amertume, une résignation qui tranche. Johnny, son petit héros, assis à la table des adultes, regarde un homme. Le regard est franc, le monde est dur. Soudain, précipitamment, il l’enlace. Une trace de l’enfance qui reste sur le visage d’un petit garçon qui ne l’est pourtant, à l’intérieur, presque déjà plus.

À travers ce double mouvement – l’amertume et la candeur – Samuel Theis réussit par ce personnage touchant, une plongée sociale dénuée de jugement. Surtout, s’entame autour de l’excellent Antoine Reinartz, un magnifique portrait du rôle élévateur et réenchanteur de l’école. Emerveillé par cet enseignant loquace, attentif et surtout plein de bienveillance, Johnny se surprend à rêver d’ailleurs. Il se noue quelque chose de lumineux, de profondément juste sur l’impact que peu avoir un enseignant, un adulte sur la construction de soi. On craint le conflit de classe – la famille prolo contre les enseignants branchés qui vont au musée – mais le regard est plus fin que ça. PETITE NATURE parle dans ses meilleurs moments de l’attention que l’on porte aux autres, au monde, et la façon dont un simple regard peut nous réanimer.

Pourtant, alors qu’on sentait le film ouvrir les ailes de son personnage, Samuel Theis glisse vers un autre sujet, le versant noir et presque scabreux de cette admiration, devenue attirance. Le film se fait beaucoup plus lourd, évidemment plus sombre et écrase son héros d’un déterminisme qu’il évitait jusqu’à lors. Derrière ce virage, il y a un sujet passionnant (la naissance d’un désir homosexuel et son trouble) mais emmêlé soudain dans un tout autre film. Alors que PETITE NATURE nous portait vers le meilleur, comme une façon de conjurer un certain misérabilisme du cinéma social français, il s’égare soudain dans une noirceur guère porteuse de sens. Pour Johnny, la rage l’emporte. L’amertume et une certaine laideur ont pris le dessus. Un état du monde peut-être.

De Samuel Theis. Avec Aliocha Reinert, Antoine Reinartz, Izia Higelin. France. Prochainement

 

PetiteNature1

PetiteNature2

 

 

 

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