ENCOUNTER : chronique

Après JERSEY AFFAIR, Michael Pearce impose encore un peu plus sa singularité avec ce drame familial qui ménage ambition et humilité.

 

Avec son premier long-métrage, JERSEY AFFAIR, Michael Pearce floutait les frontières entre genre et drame naturaliste en contant la romance entre une jeune fille de bonne famille en conflit avec son milieu et un garçon suspecté d’être un tueur en série. Mettant l’île de Jersey sous cloche, Pearce créait une ambiance poisseuse propice à une étude de personnages soignée. Avec ENCOUNTER, son deuxième long, son recours au genre se fait plus frontal, notamment parce qu’il l’embrasse pleinement esthétiquement. Dans un futur proche, un objet cosmique organique traverse l’espace et s’écrase sur Terre, libérant des microorganismes qui, bientôt, prennent le contrôle des humains. Malik Khan (Riz Ahmed), ancien Marine, parcourt l’Amérique pour enquêter sur cette contamination et finit par kidnapper ses deux fils pour les protéger de l’invasion alien… Ce pitch en ligne claire, plutôt classique, cache quelques secrets et rebondissements mais Pearce a l’élégance de ne pas prendre son public pour des idiots : au lieu de tirer sur la corde en cherchant le twist artificiel en fin de récit, il dévoile au bout de trente minutes les tenants et les aboutissants de son intrigue extra-terrestre. Dès les premières minutes, il sème même le doute sur ce que le spectateur voit. Quelque chose cloche très clairement, mais quoi ? Ce trouble, Pearce le construit habilement, sans doute parce que l’univers qu’il filme, entre danger invisible, pandémie, remous sociaux violents, racisme galopant et milices d’extrême-droite, ressemble terriblement au nôtre. Ainsi, l’étrangeté absurde contemporaine sert particulièrement bien l’ADN science-fictionnel du film. Une façon d’imposer le genre comme prisme sur le réel qui n’a évidemment rien d’inédit, mais que Michael Pearce suit avec rigueur, notamment dans sa réalisation. Traversé d’images fortes (une baston sur une route avec en seule profondeur de champ les ténèbres de la nuit ; une fusillade dans les rues d’une ville minière abandonnée aux décors brutalistes), ENCOUNTER convoque et déconstruit toute une mythologie de cinéma agonisante (western, film de guerre, road movie…), métaphore de tous les mensonges avec lesquels Malik se débat, et notamment ceux du rêve américain – bien que héros militaire, il ne peut jamais vraiment gagner face aux préjugés que drainent son nom et sa couleur de peau. Remarquablement incarné par un Riz Ahmed équilibrant parfaitement intensité et subtilité, ce beau personnage blessé, en quête de résilience, mène ENCOUNTER de la SF spectaculaire à la tragédie intimiste, jusqu’à un final qui trouve l’émotion dans la tension. 

De Michael Pearce. Avec Riz Ahmed, Octavia Spencer, Rory Cochrane. États-Unis / Royaume-Uni. 1h48. Le 10 décembre sur Amazon Prime Vidéo