Cannes 2022 : RETOUR À SÉOUL / Critique

24-05-2022 - 11:07 - Par

Cannes 2022 : RETOUR À SÉOUL / Critique

De Davy Chou. Sélection officielle, Un Certain Regard

 

Freddie, 25 ans, débarque en Corée du Sud, son pays d’origine qu’elle ne connaît pas. Sans l’avoir prévu, elle contacte les autorités pour tenter de retrouver ses parents biologiques, qui l’ont abandonnée quand elle était bébé… On entre dans RETOUR À SÉOUL de la plus belle des manières : en se laissant bercer par la culture coréenne – une chanson pop surannée qu’une jeune femme écoute au casque, son visage capturé avec grâce en gros plan. Ce choix n’a rien de la carte postale – d’ailleurs, RETOUR À SÉOUL ne verse jamais dans ce travers et capte les paysages coréens, urbains ou plus ruraux, sans la fascination de l’exotisme ni le délire de vouloir reproduire les grandes images aperçues dans le cinéma local. Pourtant, il dénote d’une envie de découverte qui sied au parcours de Freddie. Ce voyage qu’elle entreprend au cœur d’elle-même et de son identité n’aura pourtant rien d’aussi doucereux que cette chanson. Avec son caractère bien trempé, pas toujours facile à apprivoiser pour son entourage – et donc pour le spectateur, ce qui la rend encore plus fascinante –, la jeune femme, incarnée avec indocilité par Park Ji-min, ne se plie pas aux conventions. Ce volcan d’émotions qui rugit en elle, le réalisateur Davy Chou le figure magnifiquement tout au long du film. Dès l’introduction, dans une scène de restaurant où Freddie rapproche les êtres, en un mouvement énergique de vie et de cinéma. Ou quand la jeune femme, frustrée, frustrante et insolente, entame une danse effrénée dans un bar – sublime moment qui rappelle les plus belles heures de FRANCES HA. Pourtant, ce qui emporte finalement le plus dans ce RETOUR À SÉOUL, ce n’est pas tant ces énergies parfois contraires, ces colères et ces pardons qui tardent, mais la sensibilité qui les sous-tend. L’immense pudeur avec laquelle Chou capte les visages, les regards ; comment son écriture ne juge ni les emportements de l’une, ni les débordements d’un autre. Tout juste les observe-t-il avec empathie, cherchant à rendre justice à chacun, à saisir les non-dits, les raisons, les incompréhensions et ce qui entrave la tendresse. Plusieurs fois, on rêverait de voir les corps se rapprocher et tout se dire par une simple étreinte. Si Chou retient ces effets, il n’en délivre pas moins de régulières décharges émotionnelles, toute en douceur, de vrais séismes silencieux. Et lorsqu’enfin l’explosion a lieu, la caméra la capte avec une bienveillance légèrement distante, sans la surligner de pathos, la laissant émerger avec sincérité, sans la créer artificiellement. RETOUR À SÉOUL se perd parfois dans les sauts temporels, obstacles à sa ligne claire mais témoignages de l’intention du film de tout analyser, de ne rien oublier du parcours de Freddie. Ces quelques à-coups, tout comme un épilogue doux amer qui vient déjouer l’émotion de la scène qui le précède, n’empêchent pas ces images de cinéma et les sentiments qu’elles créent, de marquer.

De Davy Chou. Avec Park Ji-min, Oh Kwang-rok, Guka Han. France / Corée. 1h59. Prochainement

 

 

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