Cannes 2023 : ONLY THE RIVER FLOWS / Critique

25-05-2023 - 13:56 - Par

Cannes 2023 : ONLY THE RIVER FLOWS / Critique

De Shujun Wei. Sélection officielle, Un Certain Regard

 

Ce film policier chinois est un modèle de mise en scène mais, dans cette volonté démonstrative, nous tient trop à distance.

C’est une histoire de meurtre au bord d’un lac et de témoins qui n’ont rien vu qui va pousser l’inspecteur Ma dans ses retranchements et ses vieux effluves d’alcool. L’homme est un bon flic, fragile sous ses airs robustes et son vieux blouson en cuir. Il faut dire qu’il connaît beaucoup de changements et ça le perturbe un peu : le commissariat déménage dans un cinéma, dans lequel plus personne ne se rend et qui doit baisser le rideau – on est en Chine du sud en 1995. Les bureaux s’installent sur la scène, les supérieurs commentant souvent la piètre avancée de l’enquête depuis le public. Ma, lui, s’est réfugié à l’étage, isolé. Sa femme est enceinte et ils reçoivent la nouvelle, dure à encaisser, d’un risque de retard mental. Doit-elle avorter ou garder l’enfant malgré tout ? C’est que Ma est aux premières loges pour savoir que dans ce pays, être différent, c’est être pointé du doigt. Son chef lui demande de fouiner plus particulièrement du côté du garçon, un peu simplet, qui traînait avec la victime. L’autre suspect n°1 est un homme qui s’habille en femme. Qui ne rentre pas dans le rang est immédiatement douteux. L’innocence n’existe pas.

Beauté du grain de la pellicule, chaleur de la musique traditionnelle chinoise… Nostalgique et mélancolique, ONLY THE RIVER FLOWS nous ramène au temps d’un cinéma simple, d’un cinéma policier social et politique qui, par l’excuse du divertissement, dresse un portrait des mœurs locales. On a beaucoup dit que le film de Shujun Wei était un cousin de MEMORIES OF MURDER mais à part pour l’intrigue, concentrée autour d’une usine, et d’un retard technique dans l’enquête dû à l’éloignement des grandes villes, les différences sont notables. ONLY THE RIVER FLOWS n’a jamais l’immédiateté de son « modèle » coréen. Bien au contraire, il louvoie, jamais bien clair, comme si l’enquête devenait secondaire, comme s’il était au-dessus de ça. À vouloir éviter de traiter son sujet, il donne beaucoup trop d’importance à la folie, fabriquée, dans laquelle tombe son enquêteur. Une folie littérale, faite de faux souvenirs et de mauvais rêves. A-t-il bien reçu une médaille du mérite, lorsqu’il était en poste ailleurs ? Quel est ce cauchemar – par ailleurs efficacement conçu comme un flash lynchien – qui le fait tuer les protagonistes de l’histoire ? Pourquoi lui reconnaît-on tant de talent alors qu’il est perdu ? À travers ses délires, c’est le procès de la perdition morale chinoise qui est fait en creux. Et franchement, c’est un peu court.

De Shujun Wei. Avec Yilong Zhu, Zeng Meihuizi, Tianlai Hou. Chine. 1h42. Prochainement

 

 

 

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