Cannes 2023 : THE OLD OAK / Critique

27-05-2023 - 13:12 - Par

Cannes 2023 : THE OLD OAK / Critique

De Ken Loach. Sélection officielle, compétition

 

L’appel à l’espoir d’un vieux chêne : grosse colère et grands sentiments.

Au centre de THE OLD OAK trône l’idée selon laquelle notre regard sur le monde, reflet de nos actes, est une question de choix. Ici, des ados se filment attaquer un de leurs camarades, réfugié syrien. La sœur de ce dernier, photographe, a elle choisi, en dépit des malheurs qui l’accablent, de « voir l’espoir et la force » quand elle « regarde à travers son appareil », parfait résumé de la démarche de Ken Loach et de son scénariste Paul Laverty sur THE OLD OAK. Ou comment le patron d’un pub d’un village du nord de l’Angleterre se prend d’affection pour une jeune réfugiée syrienne et retrouve l’espoir d’une communauté unie, qui se serre les coudes devant l’adversité. D’aucuns accuseront THE OLD OAK d’un excès de simplisme dans son exposé – des violences comme des espoirs. La binarité réelle du monde, prouvée chaque jour sur le front du rejet de toute différence, abonde dans ce prétendu simplisme de Loach et Laverty. Mais surtout, ce que racontent ici le cinéaste et son scénariste apparaît comme une solution – une utopie, peut-être. L’espoir et la force. Ce village étranglé par la fermeture de la mine, la lutte sociale étouffée par un individualisme forcé par un système qui oppose les plus faibles ; ce village où ne restent plus que le pub et le salon de coiffure comme agora où se retrouver, socialiser ; ce village où les spéculateurs étrangers achètent des logements à bas prix et où des familles ne mangent pas à leur faim ; ce village existe, un peu partout dans le monde. Et ces violences quotidiennes qui déchirent le tissu social sont au centre du cinéma de Ken Loach depuis soixante ans. Six décennies de colère, de rage même, à hurler contre les injustices. Alors après tout ce temps, THE OLD OAK – »vieux chêne » en français, titre qui renvoie autant au protagoniste, patron de pub humaniste, qu’à Loach lui-même, indéracinable porte-voix –, apparaît comme un lâcher-prise pour le cinéaste. Gueuler n’a visiblement servi à rien : le monde reste engoncé dans les mêmes défauts et problèmes. Peut-être est-il donc temps pour lui d’embrasser l’espoir et la force. Naît alors un film qui, bien qu’il observe frontalement les maux qui rongent et ne donne aucune rédemption aux « méchants », se veut de pure positivité. Loach et Laverty portent leurs grands sentiments en bandoulière et captent des gestes de pure bonté, d’entraide et d’empathie comme s’ils étaient les seuls à pouvoir nous sauver. Des hommes et des femmes qui se parlent, se confient, partagent leurs histoires, leurs peurs et leurs peines pour se réconforter. Simpliste ? Sentimentaliste ? Écrit par moments à gros traits ? Sans doute. Reste qu’à l’écran, ces gestes se révèlent souvent d’une puissance bouleversante, en contraste amer avec le cours du monde. Dans la colère comme dans le sentiment, Ken Loach laisse la bienséance subtile au cinéma bourgeois, et c’est très bien comme ça.

De Ken Loach. Avec Dave Turner, Ebla Mari, Trevor Fox. Grande-Bretagne. 1h53. Prochainement

 

 

 

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