Cannes 2023 : HOPELESS / Critique

27-05-2023 - 14:03 - Par

Cannes 2023 : HOPELESS / Critique

De Kim Chang-hoon. Sélection officielle, Un Certain Regard

 

Le premier long-métrage de Kim Chang-hoon, même si imparfait, rappelle les meilleures heures du film noir coréen. 

On peut déplorer une uniformisation du cinéma coréen, une américanisation de ses codes, provenant d’une industrialisation massive. Peut-être même un manque d’ambition comme si les figures tutélaires – Park Chan-wook, Bong Joon Ho, Kim Jee-woon – pesaient d’un poids si lourd qu’elles en écrasaient la jeune génération. On dit que l’énergie n’y est plus ; Kim Chang-hoon réveille les morts. Pour son premier long-métrage, il ressuscite l’esprit du début des années 2000, ce cinéma comme un cri du cœur dans un pays qui en exclut plus d’un du « miracle coréen ». Ce n’est pas parce que SYMPATHY FOR MR VENGEANCE, CRYING FIST ou BREATHLESS fêtent leur 15 ou 20 ans que la société ultra-violente qu’ils dépeignaient a disparu. C’est typiquement à BREATHLESS qu’on pense lorsqu’on voit HOPELESS, même si le film de Kim a l’écrin d’une production traditionnelle quand celui de Yang Ik-joon semblait lui avoir été arraché des tripes. Mais des violences familiales aux derniers sursauts d’humanité dans un marasme moral, le modèle de ce jeune réalisateur d’une trentaine d’années saute aux yeux.  

Ainsi l’humeur est morose, les rues sont étriquées, les soirées arrosées et la vie à la maison synonyme de brutalité et de tristesse. Là-dedans, Yeon-gyu tente de survivre, lui qui ne pense qu’à mettre les voiles et partir refaire sa vie en Hollande où les gens semblent plus heureux. Pour ça, il a besoin d’argent et quand son patron décide de le foutre à la porte du restaurant, il ne lui reste qu’un seul moyen pour se faire un pécule : accepter d’être la nouvelle petite main de Chi-geon, lui-même à la solde d’un gros bonnet en cheville avec les notables locaux. Pour ce qui est de l’intrigue politique, curseur des colères et des ambitions des criminels en présence, c’est encore très flou pour nous. Et puisque le brouillamini des intrigues de palais n’entame pas la portée émotionnelle du film, on pousserait jusqu’à dire que ces dernières étaient finalement dispensables. Car la vraie force du film réside dans ce face-à-face hautement cinématographique entre le jeune et très prometteur Hong Xa-bin, qui joue Yeon-gyu, et Song Joong-ki, superstar de BATTLESHIP ISLAND et SPACE SWEEPERS (Chi-geon) qui s’extasie sur son cadet : « quel visage », lui dit-il. Et c’est vrai quel visage, chez l’un, quelle gueule d’ange chez l’autre. Et quelle différence d’âge ? Chi-geon se reconnaît en Yeon-gyu, en l’espoir qu’il nourrit de s’enfuir d’ici quand lui est cloué à cette ville corrompue. Grand frère mais fossoyeur, Chi-geon va nourrir chez les membres de son gang un fort ressentiment contre le fils préféré Yeon-gyu qui, décidément, quoi qu’il fasse, s’attire les foudres de plus fort que lui. D’aucuns diraient qu’il y a une telle misère dans HOPELESS qu’on frôle le misérabilisme. Mais ce n’est pas comme si le titre n’avait pas annoncé la couleur. De plus, il se pose en digne héritier du mélodrame, qui a traversé les ères du cinéma coréen comme une bouée dans toutes les tempêtes industrielles. Oui, certes, le film en rajoute un peu sur la fin ; on voit les longueurs et les complaisances, alors que jusque-là les prouesses de mise en scène et l’assurance avec laquelle Kim Chang-hoon faisait de l’image et du sentiment était impressionnante. C’est dommage. Mais un premier long aussi fort dans le terrain si risqué du « film noir coréen », ça se célèbre sans retenue.

De Kim Chang-hoon. Avec Song Joong-ki, Hong Xa-bin, Kim Seo-hyung. Corée du sud. 2h13. Prochainement

 

 

 

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